Action des cannes : une bible pour être à la pointe de la parabole

Une action de pointe, ça n’existe pas, du moins si on entend par là ce qui s’oppose à une action parabolique. Une canne est toujours parabolique. On imagine d’ailleurs mal une canne qui dessinerait autre chose qu’une parabole. Un escalier ? Un losange peut-être ? C’est absurde.

Il est vrai toutefois qu’en jouant sur la qualité et les densités de carbone, on peut s’arranger pour que cette parabole prenne assez vite un angle relativement important. Il convient mieux alors de dire, comme les Anglais, qu’une canne est « fast », comprenez : rapide. Aussi, parce qu’encore une fois toutes les cannes sont paraboliques, les autres seront dites « regular » — ce terme en anglais voulant dire « régulier », mais dans le sens de ce qui est conforme à la règle, c’est-à-dire ni plus ni moins que : normal. Une canne dessine donc plus ou moins rapidement une courbe capable de s’inscrire dans un angle droit, c’est tout. Mais elles sont toutes paraboliques.

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Une canne fast est donc une canne capable de dessiner une courbe s’inscrivant dans un angle droit plus rapidement qu’une canne regular. Mais là encore, la notion de vitesse intervient de façon captieuse : cette courbe ne survient pas plus tôt parce que la canne est plus rapide, c’est la canne qui est dite plus rapide parce que cette courbe survient plus tôt. En clair, et pour le dire simplement, une canne est fast parce qu’elle remplira certaines attentes avec une longueur de blank moindre qu’une autre. Mais ces attentes, quelles sont-elles ?

Elles sont purement instrumentales, et j’ouvre ici une parenthèse : il est extrêmement difficile de trouver sur Google Image la moindre image schématisant avec justesse la manière dont on mesure l’action d’une canne. Par exemple, toutes les images ci-dessous sont erronées et ne veulent rien dire :

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On voit ici que tous les commentateurs se sont pris les pieds dans le tapis : quelle différence y-a-t-il entre ces cannes, sinon qu’on a tiré plus ou moins fort dessus ? Il s’agit à chaque fois de la même canne montrée à des moments de compression différents, sans cela l’action serait tout simplement fonction de la puissance, ce qui est absurde. L’action est une notion presque entièrement séparée de celles de puissance ou de rigidité.

De même, le schéma ci-dessus tend en effet à montrer des actions différentes, mais manque son objet en omettant d’expliciter les attendus du test de compression.

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Il faut en effet, pour qu’une canne soit évaluée quant à son action, que ses extrémités présentent deux segments capables de se recouper à angle droit. Le scion et le talon doivent se présenter droit, de manière à ce que la courbure qui en résulte s’inscrive dans l’angle droit que scion et talon opposent. Aussi simple que cela. Avec une canne regular, parce que sa composition est homogène et sa conicité régulière, il faut quasiment faire ployer toute la longueur du blank pour que cette situation survienne. Qu’est-ce qui se passe en effet si je ne tire pas suffisamment sur le scion ? Certes, celui-ci s’affaisse, mais il ne viendra pas se placer dans l’exacte perpendiculaire du talon. A la place, la canne accompagnant progressivement le mouvement ; on verra alors son blank s’incliner doucement à mesure qu’on tire sur le scion, et il faudra une certaine force pour que les premiers centimètres de scion viennent se placer à angle droit du talon. Quand l’angle de 45° sera atteint, presque toute la longueur de la canne aura travaillé.

Avec une action fast au contraire, comme une grande longueur de talon refusera de plier,  très rapidement le scion se trouvera à angle droit avec le talon.

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L’action d’une canne est donc fonction de la longueur de blank à solliciter pour atteindre un certain seuil appelé « compression de la canne ».

Notez que c’est en outre de cette manière qu’on évalue la puissance d’une canne à carpe, par exemple. On charge le scion progressivement jusqu’à que l’angle droit entre le scion et le talon soit obtenu. La charge nécessaire est alors relevée comme étant la puissance de la canne, car c’est l’action de la canne qui révèle la puissance réelle du blank.

Mais si l’on continue à tirer sur le scion, tout en continuant à afficher un angle droit la canne continuera à plier jusqu’à arborer une parabole identique à notre précédente canne regular. A quoi sert, alors, ce distinguo ?

Il faut tout d’abord éliminer une idée reçu : une canne fast, ça ne lance pas plus loin qu’une canne regular. Pas plus d’ailleurs qu’une canne en carbone ne lance plus loin qu’une canne en fibre de verre. Certes, il est vrai qu’en terme de performances maximales (de record de distance), une canne carbone est supérieure au lancer à une canne en fibre de verre, mais ces performances varient grandement selon le type de leurres utilisés, au point que parfois, une canne en fibre de verre lancera plus loin qu’une canne en carbone. Je suis moi-même utilisateur de cannes en fibre, et je peux vous dire que je lance plus loin avec mes crankbaits (lipless ou non) avec une canne « fiber glass ».

capture-decran-2016-10-11-a-14-32-17Cela s’explique par le poids de la fibre, qui vient appuyer ces leurres faiblement aérodynamiques au moment du lancer. Parce que la fibre de verre permet de réaliser de beaux blanks regular, au lancer le pêcheur bénéficie d’une mise en compression plus importante, très profonde, qui vient armer le leurre de véritables propulseurs. Avec une canne regular, le poids de la fibre peut venir s’ajouter au poids du leurre — à condition de s’entendre sur cette manière de parler.

Mais, c’est exact, la fibre possède de gros défauts. Le poids en main, d’abord et avant tout, mais aussi le défaut de précision. J’utilise des cannes en fibre de verre parce que je pêche essentiellement de très grands lacs où la précision compte peu. Si je devais opérer dans de petites rivières où la précision compte beaucoup, je prendrais des cannes en carbone… mais j’opterais quand même pour des cannes regular, pour bénéficier de leur puissance de lancer (et évidemment pour préserver l’action de mes crankbaits).

Donc, on ne lance pas plus loin avec une canne fast, même si on lance souvent plus facilement. Ce qui « lance », c’est la qualité des matériaux et de l’assemblage, l’habilité du lanceur lui-même (comme le réglage de la longueur de la bannière, ou la gestuelle) et surtout la justesse du réglage du couple canne/leurre (et j’ajouterais du corps de ligne).

Pour le dire grossièrement (et aussi erronément), une canne fast fouette le leurre, là où une canne regular le pousse. Plus exactement, une canne fast donne de la vitesse au leurre, quand la canne regular lui confère de la charge pour obtenir une bonne accélération. Une canne regular permet d’alourdir le leurre ­— propriété précieuse quand on utilise des leurres peu denses ou faiblement aérodynamiques.

Essayez de lancer un leurre très lourd avec une canne fast. Genre : un swimbait. Vous vous rendrez compte assez rapidement, si la canne ne casse pas, que ce n’est pas très confortable. Cela provient d’une différence nécessaire de style de lancer. Avec une canne fast, la bannière est courte, le leurre dessine en fait une ligne droite dans la direction souhaitée (d’où le gain de précision). Avec une canne regular, le leurre dessine en fait un arc de cercle autour du lanceur. Le leurre est moins lancé que balancé. D’ailleurs, la gestuelle du pêcheur au swimbait est souvent éloquente : sa bannière est longue, et au moment de lancer, il a soit le réflexe de tourner son buste pour que le leurre effectue une rotation autour de lui, soit il balance le leurre sous le scion de manière à imprimer son geste au moment où le leurre revient vers lui. Ces deux attitudes sont révélatrices d’une volonté, conscience ou inconsciente, de faire dessiner au leurre une courbe dans les airs. Non seulement cela laissera plus de temps au blank pour se comprimer, mais ce même blank en se redressant communique au leurre son énergie — sous forme de vitesse.

Pour finir, une petite vidéo de 8mm qui m’a posé pas mal de problèmes de montage, où j’aborde rapidement les causes des bris de canne, au travers de trois solutions proposées par Ron Thompson et Okuma, dont une assez spectaculaire…

2 Commentaires

  1. pour une fois , j’ai tout compris … MERCI Vidéo interressante.

  2. Toute canne est parabolique certe, dans l’absolu. Encore que les actions de pointe, généralement, casse avant d’être parabolique. Car dans ce cas il y a une partie de la canne qui décrit une parabole, et l’autre qui reste une droite. La parabolique est donc celle qui, au point décrit (perpendicularité des axes tangents), engage une coubure de tout le blank. Encore que, il faudrait que la courbure soit régulière pour qu’on puisse effectivement parler de parabole. Mais on voit à peu pres de quoi il s’agit.
    En revanche le terme fast est trompeur. Si vous expliquez très bien de quoi il s’agit, on pourrait très bien croire qu’il s’agisse d’une mesure de la « rapidité » par laquelle blank reprend sa forme initiale. Une mesure de la réactivité du blank, en somme. C’est d’ailleur ce que je pensais intuitivement avant, avant de comprendre. Et du coup je trouve que cette caractéristique, ( la réactivité) , n’est pas indicée alors que c’est primordial comme information quand on veut acheter une canne.

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