Connaissez-vous la théorie du primo-pêchant ?

 

Non ? Je vais vous expliquer. Il s’agit d’une théorie se présentant comme une solution à l’érosion des ventes de carte de pêche en France, donc du nombre de pratiquants.

En préambule toutefois, une remarque : vous êtes-vous déjà demandé si cela vous importait réellement qu’il se vende plus de cartes de pêche ? Je veux dire : avez-vous vraiment envie que votre spot habituel soit fréquenté demain par cinq, dix, vingt nouveaux pêcheurs ? Je pense que non. C’est donc un problème qui nous est d’abord imposé par l’extérieur : par l’industrie halieutique, qui cherche à élargir sa clientèle, mais surtout la FNPF qui a pour mission de collecter ce qu’on peut appeler un impôt.

D’un autre côté, notre force c’est notre nombre. Pour résister aux attaques des animalistes, des écologistes de salon, rien de tel que de leur opposer un argument quantitatif : nous sommes des centaines de milliers, peut-être des millions.

Cela veut dire qu’une proposition peut être vraie au niveau individuel, et fausse au niveau collectif. Je vous donne un autre exemple : un patron aura tout intérêt à ce que ses employés soient très mal payés, afin de dégager de la plus-value. Mais collectivement, les patrons ont tout intérêt à ce que les salariés, parce qu’ils sont aussi des consommateurs, obtiennent des niveaux de salaire élevés. C’est là encore un bon exemple de proposition à la fois vraie et fausse, selon la modalité d’où on l’examine.

Mais revenons à nos cartes de pêche. Supposons que nous voulions sérieusement réfléchir au problème. Réfléchir sérieusement au problème suppose déjà d’écarter tous les modèles de faux-débat, comme le prix de la carte : la carte de pêche n’est en elle-même ni chère ni pas chère, tout simplement parce que la valeur objective des choses n’existe pas. On sait par exemple que les ouvriers jugent abordables le permis annuel à 100€, alors que la petite bourgeoisie considère qu’elle est trop cher. Egoïsme, peut-être ? Rien à voir. Un jugement moral peut-il d’ailleurs avoir valeur d’explication ? Pour comprendre, il suffit de mieux connaître les pratiques des uns et des autres : souvent le prolétariat ne s’adonne qu’à une seule passion, dans laquelle il investit tout son budget. 100€ alors n’est pas une somme déraisonnable. Mais si vous insérez ces mêmes 100€ dans un train de dépenses tel que : le cinéma, le théâtre, le tennis, etc., soudainement ces 100€ coûtent très chers… d’autant que le temps passé au bord de l’eau n’est pas le même.

Qu’est-ce alors que la théorie du primo-pêchant ? Et bien il s’agit d’une théorie basée sur des études scientifiques chargées en premier lieu de repérer le comportement des pêcheurs, en particulier leur trajectoire halieutique. Leur parcours de vie de pêcheur, quoi. Elle s’appuie très largement sur la thèse d’un docteur en sociologie, Frédéric Roux, et dans laquelle on apprend, mutadis mutandis, qu’un pêcheur est un homme (car oui, la pêche est genrée) entre 30 et 40ans (car non, ce n’est pas un loisir de retraité) à qui il est arrivé la chose suivante :

  • Il a connu un contact avec la pêche pendant son enfance
  • Il a abandonné la pêche à un moment, souvent vers l’adolescence
  • Il a décidé de reprendre la pêche à un âge où, entre sa femme, ses gosses et son patron, il n’en peut plus de la vie.

Vous allez me dire : il existe des exceptions. Mais si vous réfléchissez depuis des exceptions, un jour vous sauterez du cinquième étage. Car oui, certains ont survécu.

De la thèse de Frédéric Roux, on peut sans trop spéculer tirer deux conclusions :

  • Il faut que la rencontre avec la pêche se produise, et ici on pense aux écoles de pêche
  • Il faut aider, organiser ce come-back halieutique

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La théorie du primo-pêchant veut alors s’appuyer sur la télécarte de pêche et son fichier national, pour que ces personnes, qui s’intéressent de nouveau à la pêche, aient le temps de retrouver le goût d’être au bord de l’eau, de se familiariser avec la législation, de s’équiper en matériel, aussi. Bref, de prendre du plaisir avant de se prendre une facture…

Comment ? Tout simplement en offrant le permis à toute personne entre 25 et 35ans n’ayant pas pris de permis depuis au moins dix ans. Le pari est alors le suivant : pris lui-même à l’hameçon qu’il a recommencé à lancer à destination des poissons, ce primo-pêchant viendra plausiblement grossir les rangs des pêcheurs et la cagnotte de la FNPF. Vous n’imaginez pas le prix des restaurants sur Paris !

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